L’Opéra de Montréal poursuit sa 31e saison avec une des œuvres les plus marquantes du répertoire lyrique du XXe siècle : Salomé de Richard Strauss. À l’affiche les 19, 23, 26, 28 et 31 mars 2011 à 20 heures, à la salle Wilfrid Pelletier de la Place des Arts. Pour faire rutiler les mille couleurs de cette partition flamboyante, un des chefs les plus brillants de l’heure, Yannick Nézet-Séguin, qui dirigera l’œuvre pour la toute première fois de sa carrière. Après ses triomphes sur tous les podiums de l’Europe et de l’Amérique, du Festival de Salzbourg au Metropolitan de New York, « l’enfant prodige » est de retour à l’Opéra de Montréal, à la tête de « son » Orchestre métropolitain. Une nouvelle coproduction Opera Theatre of St. Louis, San Francisco Opera et Opéra de Montréal.
Pour interpréter la sulfureuse princesse Salomé, une spécialiste du rôle, Nicola Beller Carbone, qui l’a chanté sur plusieurs grandes scènes européennes. Si dans le passé certaines divas se faisaient doubler pour la mythique « danse des sept voiles », Nicola Beller Carbone, elle, met à profit sa plastique impeccable et assume le rôle jusqu’au bout ! À ses côtés, le baryton britannique Robert Hayward fera ses débuts à la compagnie dans le rôle du prophète. Les autres rôles principaux sont assurés par des valeurs sûres de la scène lyrique canadienne : la légendaire mezzo Judith Forst fera parler sa longue expérience dans le rôle de l’odieuse Hérodiade, avec à ses côtés John Mac Master en Hérode. Le metteur en scène Seán Curren est aussi chorégraphe, atout fort utile dans le cas d’une œuvre qui comporte une scène dansée d’une importance capitale. Il fera évoluer les personnages dans les décors et les costumes de Bruno Schwengl, sous les éclairages de Paul Palazzo.
Les pulsions les plus délirantes
« …Or, lorsqu’on célébra l’anniversaire de la naissance d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa au milieu des convives, et plut à Hérode, de sorte qu’il promit avec serment de lui donner ce qu’elle demanderait. A l’instigation de sa mère, elle dit : Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean Baptiste… » (Matthieu, 14, 3-11)
Cet épisode de la Bible, qui avait inspiré Gustave Flaubert pour un de ses Trois contes, donna aussi à Oscar Wilde l’idée d’écrire une pièce en français destinée à être créée à Londres par Sarah Bernhardt… L’événement n’eut pas lieu, mais Richard Strauss s’empara du drame de Wilde et composa une partition d’une intensité rarement égalée dans l’histoire de la musique. Au son d’un orchestre poussé au paroxysme de ses possibilités, des personnages en état de transe se laissent aller à leurs pulsions les plus délirantes.
Au terme de l’incroyable « Danse des sept voiles », mélange de rythmes orientaux et de valse viennoise, Salomé, enfant gâtée cruelle et sensuelle, aura enfin son jouet : la tête de Jochanaan, dont elle baisera goulûment la bouche. La mort est partout, sur scène et dans les coulisses : le soldat Narraboth se suicide sous les yeux indifférents de Salomé, Jochanaan est décapité, Salomé elle-même finit écrasée sous les boucliers des soldats d’Hérode.
Un strip-tease à l’opéra
Lors de la création à Dresde en 1905, les spectateurs en délire rappellent les artistes 38 fois ! Succès de scandale, mais succès quand même, qui se répétera à Berlin, Milan, Turin, New York – malgré les efforts de censeurs et moralistes qui tentent de faire interdire une pièce aussi sulfureuse.
L’œuvre provoque admiration et perplexité de la part des collègues de Strauss. Le compositeur français Gabriel Fauré parle de « dissonances cruelles qui défient toute explication ». Mais les cantatrices se laissent tenter par ce rôle de Lolita – elle est censée avoir 16 ans ! – à la voix de wagnérienne, même si elles doivent danser et se faire entendre au-dessus d’un orchestre déchaîné.
L’autre Strauss
Tout le monde connaît au moins quelques mesures de la musique de Richard Strauss : l’impressionnant appel de cuivres, extrait de son poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra, utilisé dans le film 2001 : Odyssée de l’espace, a été repris depuis dans plusieurs publicités.
Né en 1864 à Munich, d’un père corniste dans l’orchestre de l’empereur Guillaume, Richard Strauss compose pour orchestre dès l’adolescence et démontre très tôt une passion pour les couleurs, les effets et les subtilités de l’orchestration. Il tarde à venir à l’opéra, préférant de vastes compositions appelées poèmes symphoniques : Don Juan, Till l’espiègle, Mort et transfiguration… Après deux essais peu concluants, c’est la tornade Salomé en 1905, suivi de l’ouragan Elektra en 1909, deux œuvres qui secouent le monde musical. Suite à quoi, il s’assagit considérablement, avec des opéras à l’orchestration tout aussi chatoyante, mais beaucoup moins provocateurs : Ariane à Naxos, Arabella, Capriccio… Richard Strauss va connaître une carrière longue et prolifique, et mourra en 1949, non sans avoir composé les merveilleux Quatre derniers lieder.
Argument
Tout le monde désire la belle princesse Salomé, y compris son beau-père Hérode. Mais elle éprouve à son tour une attraction fatale pour le prophète Jochanaan, prisonnier d’Hérode. Salomé danse pour son beau-père qui, fou de désir, lui promet tout ce qu’elle veut. La belle réclame rien de moins que la tête de Jochanaan. Quand elle l’obtient enfin, elle tombe dans une ivresse érotique qui atteint son paroxysme au moment du baiser qu’elle donne sur les lèvres du prophète. Hérode, enfin horrifié, ordonne à ses soldats de la tuer sur-le-champ.
Opéra : Salomé de Richard Strauss
Genre : drame
Structure : en un acte (découpé en quatre scènes) SANS ENTRACTE
Langue : allemand, avec surtitres français et anglais
Livret : du compositeur, d’après la pièce d’Oscar Wilde, écrite en français, traduite en allemand par Hedwig Lachmann
Création : Hofoper de Dresde, le 9 décembre 1905.
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