Par Marc-André Piette
En ayant préalablement annulé une performance en novembre dernier, Amy Schumer avait certainement mal emballé le cadeau de Noël de plusieurs de ses fans. Le Centre Bell était ainsi, près de 3 mois plus tard, l’hôte d’une assistance fébrile et plus que prête à être divertie.
On connaît la propension de Schumer à nous sacrer des claques dans la face avec son style décomplexé, mais la première claque de la soirée fut la présence du trio jazz Locksmith Isidore en début de spectacle. Les trois musiciens avaient certes fait leurs classes, mais le « problème », si j’ose m’exprimer ainsi, c’est que l’acoustique d’un Centre Bell en mode Comedy a le pouvoir de faire sonner n’importe quel trio jazz en trio de free jazz. Et Locksmith Isidore, à la base, est un trio de free jazz. Vous voyez où je m’en vais avec ça…
En clamant sur scène que Locksmith était le genre d’« edgy sh*t » pouvant arriver dans ses spectacles, Amy Schumer, forte de ses récents propos sur Donald Trump, promettait une soirée des plus intrigantes à son public. Étrangement, le show s’est avéré beaucoup plus convenu qu’on ne l’aurait présagé.
L’humoriste a consacré la quasi-totalité de son temps de scène à parler de sexe, mais dans une dégaine s’associant davantage au déjà-vu qu’à l’empowerment. Certes, les femmes et les hommes sont différents, comme nous l’a aussi expliqué Sam Morril en deuxième première partie, mais la différence d’Amy Schumer s’est faite plutôt discrète.
Je ne dis pas que le spectacle était mauvais en soi. L’unique capacité de Schumer à imager l’idée qu’une vulve peut puer (en y mêlant animaux de fermes et état islamique) demeure hilarante et pour ainsi dire très « Schumer ». Ce sont cependant les avenues plus effleurées qu’explorées qui sont venues gêner le plein potentiel du show. Un excellent mais court segment sur l’absurdité des gun laws aux États-Unis ainsi qu’une timide allusion à la nouvelle présidence auront sans doute laissé plusieurs fans sur leur faim.
En vérité, Schumer semblait marcher sur des œufs. Elle aurait pu s’en permettre davantage sur le fond, car la forme était honnête et assumée. Peut-être m’attendais-je à ce qu’une humoriste reconnue pour ses prises de positions, dans le contexte actuel et qui plus est, au Canada, allait tout casser et lever le poing. En même temps, Amy Schumer a toujours fait ce qu’elle voulait, et elle a décidé de ne pas parler politique, ce qui demeure tout aussi significatif dans les circonstances.
Sa liberté artistique est peut-être demeurée intacte, mais on l’a déjà vue brasser la cage avec plus de vigueur. J’espère seulement que son prochain spectacle à Montréal sera davantage cinglant, plus « Schumer ».
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