Le Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) expose pour la première fois au Canada une nouvelle acquisition majeure de sa collection : l’œuvre vidéographique en 3D Nightlife [La vie nocturne] (2015) de l’artiste français et lauréat du prix Marcel‑Duchamp Cyprien Gaillard. Œuvre immersive et technologique qui s’élève au rang de production cinématographique, Nightlife est un film d’une grande sensualité tourné entièrement de nuit sur une période de deux ans dans les villes de Cleveland, Los Angeles et Berlin. Il raconte une histoire de révolution, de résistance et de résilience. Le MAC a d’ailleurs profité de sa présentation pour se doter d’un projecteur laser 4K de très haute qualité cinématographique, une première pour l’institution et une rareté dans le milieu muséal. Du 5 mars au 3 mai, les visiteurs sont invités à vivre l’expérience sensorielle et esthétique d’une beauté renversante d’une œuvre qui a été encensée partout où elle a été montrée jusqu’à maintenant.
« Je suis très fier de pouvoir présenter pour la première fois aux visiteurs du MAC cette œuvre importante de Cyprien Gaillard, d’autant plus nous sommes le seul Musée en Amérique du Nord qui en détient une édition dans sa collection. C’est une œuvre au contenu extrêmement riche qui peut, et même qui doit, se voir plusieurs fois, pour en saisir toutes les significations », indique John Zeppetelli, directeur général et conservateur en chef du MAC.
Nigthlife : une expérience de visite unique
Le public peut s’attendre à une expérience muséale particulièrement différente et inusitée. Muni de lunettes 3D, le visiteur vit d’abord un voyage psychédélique en visionnant des images léchées époustouflantes sur une musique reggae du musicien Alton Ellis, l’une des voix les plus expressives de l’histoire de la musique jamaïcaine. Le chanteur interprète en boucle deux versions d’une chanson intitulée Blackman’s World, dont le refrain résigné « I was born a loser » est transformé pour proclamer « I was born a winner ».
Au fil des visionnements, le visiteur est appelé à découvrir de nouvelles couches d’interprétation, puisque les images montrées connotent toutes des événements historiques ou sociaux et portent une réflexion sur le lien entre l’homme et son environnement naturel. La puissance de cette œuvre immersive repose entre autres sur sa capacité à relier Histoire et Nature, en nous repositionnant dans nos rapports de pouvoir face à ces deux éléments.
« Un ballet sans humains »
Nightlife est un film réalisé à partir des vestiges de l’histoire coloniale visibles dans le paysage contemporain et est composé en quatre actes. Le fil narratif, poétique et historique, débute au pied de la sculpture Le Penseur, d’Auguste Rodin, conservée au Cleveland Museum of Art, pièce qui fut partiellement détruite lors de l’attentat à l’explosif orchestré en 1970 par un groupe politique protestataire connu sous le nom de Weather Underground. La caméra nous transporte ensuite dans une danse nocturne singulière, celle de la végétation luxuriante de Los Angeles — composée de plantes exotiques importées dans la ville à l’occasion des Jeux olympiques de 1932. Une lente et éblouissante ascension structure le troisième segment du film : grâce à l’usage d’un drone, l’artiste nous offre un point de vue inédit sur un événement de pyrotechnie organisé au stade olympique de Berlin, hôte des Jeux de 1936. La descente de la caméra se conclut auprès d’un chêne aujourd’hui mature, reçu par Jesse Owens aux Jeux de Berlin et planté au lycée à Cleveland où le célèbre athlète américain et médaillé olympique s’est entraîné.
« Depuis mon adolescence, je rêve de chorégraphier un ballet sans humains », a auparavant commenté Cyprien Gaillard à propos de Nightlife. La démarche de l’artiste repose sur une archéologie visuelle basée sur l’érosion des formes physiques, du sens social et du regard historique. Profondément intéressé par la ruine, il œuvre sur le caractère récurrent du temps, sur l’héritage et sur l’avenir de l’architecture.
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